mercredi 23 novembre 2011

Ne sous-estimez jamais les mollusques…

Souvent le mollusque porte l’image d’un animal mou amorphe et sans force. Lorsque quelqu’un manque de volonté en général on le traite de mollusque. Le mollusque étant simplement considéré comme un animal mou, certains assimileront tout « invertébré » mou à un mollusque. Ils sont aussi vus comme des animaux lents et baveux, à la limite du dégoûtant. Bref, ces pauvres animaux sont souvent mal considérés par la majorité des gens. Pourtant le terme « mollusque » a bien une signification précise en biologie et ce groupe est si vaste qu’il est à même de surprendre les plus blasés. Donnons déjà quelques exemples : l’escargot, le bigorneau, la pieuvre, le calmar, l’huître, la moule… Un point commun entre tous ces mollusques ? A la gueule, comme ça, pas trop. Bon, sinon, on les mange ! Mais les mollusques ne sont pas seulement intéressants qu’en termes culinaires…

Un étalage de mollusques. Vous les connaissez probablement plutôt sous cette forme mais continuez de lire cet article pour les découvrir dans d’autres contextes… Source de l’image : « étalage de pauvres mollusques » 

Déjà qu’est-ce qu’un mollusque ? Le terme « mollusque » signifie effectivement « mou » en latin. Difficile de les défendre dans ce cas. C’est bien pour ça que leur réputation a la coquille dure... Coquille dure ? Oui, la plupart des mollusques ont une coquille dure. Certains n’en n’ont pas comme la pieuvre ou la limace. Mais comme pour le serpent et ses pattes, c’est qu’en fait la coquille est régressée dans ces cas-là. Mais ce n’est pas le seule caractère particulier des mollusques :
-Les mollusques possèdent une structure très particulière : le pied. C’est un gros muscle qui sert au départ à se déplacer en rampant comme les escargots justement. Les tentacules des pieuvres sont ce même pied mais modifié.
-Ils portent aussi au niveau de la bouche une espèce de râpe particulière portant plein de petites dents : la « radula » qui permet de brouter la nourriture chez un grand nombre de groupes de mollusques.
-Les mollusques sont recouverts d’une « peau » - le « manteau » - qui produit entre autres la coquille.
-Mis à part quelques mollusques particuliers, le manteau forme un repli de telle façon qu’une cavité se forme, on parle de la cavité palléale et dans beaucoup de cas elle porte les branchies (les « cténidies » chez les mollusques car elles ont une forme de peigne et « ctenos » signifie peigne en grec).
Voilà pour un certain nombre de caractères de mollusques, comme quoi on ne les définit pas seulement par leur mollesse …

Illustration des « principaux » caractères de mollusques. Notez bien que ce mollusque n’existe pas, n’a jamais existé et n’existera jamais. C’est juste une forme de schéma récapitulatif. Les anglais l’appellent Hypothetical Ancestor Mollusc (ce qu’il n’est pas justement) ou HAM… Ce qui en anglais signifie aussi jambon  ! Source de l’image : Jambon le mollusque.

Commençons d’abord par la principale idée fausse selon laquelle les mollusques seraient tous des animaux lents. Alors là je vous défie de rattraper un calmar à la nage. Certains mollusques peuvent  aussi faire preuve d’une étonnante agilité comme la coquille St-Jacques. Et oui ! Celle ci peut ouvrir et fermer frénétiquement ses deux valves pour s’enfuir ! En général c’est lorsque son pire prédateur, l’étoile de mer, approche (et là ceux qui ne savaient pas seront peut-être étonnés de savoir que l’étoile de mer est un vorace et terrible prédateur !). Par ce fou mouvement de la coquille St-Jacques, l’eau rentre entre les deux valves et lors de la fermeture est expulsée par les côtés. C’est une forme de nage à réaction !

Vidéo d’une coquille Saint Jaques, certes maladroite, tentant d’échapper à une terrible et extrêmement vive étoile de mer …

Un autre adorable mollusque proche de la coquille Saint Jacques qui se balade…

D’ailleurs c’est le même principe utilisé par les calmars, seiches et pieuvres qui expulsent l’eau qui rentre dans la cavité palléale par un repli en siphon du manteau. L’eau est éjectée violemment et le calmar est propulsé à toute berzingue  !

Une seiche à réaction agressant un plongeur…

Le fait que les mollusques les plus communs autour de nous soient les escargots et les limaces fait peut-être penser à certains que les mollusques passent leur temps à manger de la salade. En fait il existe des prédateurs très actifs chez les mollusques. Alors oui, un grand nombre d’entre eux broutent la salade, les « algues » ou les charognes (berk, aucun art de vivre ces mollusques !) mais il existe plein de modes de nutrition différents. Déjà , beaucoup de mollusques filtrent les particules alimentaires. En effet, il est difficile d’imaginer une huître brouter. En fait, elle créé un courant d’eau qui va la traverser et elle absorbe alors les particules alimentaires en suspension dans l’eau. Mais il existe des mollusques à deux coquilles comme les huîtres ou les moules (appelés bivalves) qui chassent à l’affût ! Par exemple les mollusques du genre Poromya, sortent une   « bouche  extensible » (le « siphon inhalant », un repli du manteau en forme de long tube),  dès  qu’ils sentent une proie et la gobent subitement !

Poromya et sa grande bouche se nourrissant d’un ptit crustacé… Source de l’image : Terrible bivalve.  

Mais d’autres, plus proches des escargots, sont aussi très actifs. Par exemple, il existe des escargots prédateurs : le terrible Euglandina rosea est un escargot « classique » si ce n’est qu’il a des « moustaches ». Oui oui ! Et grâce à ça il va pister sa proie grâce à la trace de bave d’autres escargots et les manger une fois attrapés. Par des introductions malhabiles par l’homme cette espèce a d’ailleurs participé à l’extinction de plusieurs autres espèces d’escargots à Hawaï ou en Polynésie par exemple… 

Euglandina rosea. Avouez que pour un tueur en série il a la classe avec ses moustaches ! Source de l’image  : Euglandina le moustachu.

Une terrible vidéo (amis des mollusques, et maintenant vous l’êtes tous, s’abstenir) dont la musique est tout à fait appropriée…

Certains escargots marins sont de terribles prédateurs comme le cône. Le cône est un magnifique coquillage très apprécié des collectionneurs mais la radula est réduite à une seule dent qui sert à injecter un venin extrêmement puissant, mortel en quelques heures pour l’homme dans certains cas. Le mollusque attend lui aussi à l’affût, pique sa proie puis la gobe en entier ! 

Dans cette vidéo, un cône mangeant un « poisson »… remarquez que très vite, il ne va plus exister …

Finissons avec le groupe des « céphalopodes » comprenant les seiches, calmars et pieuvres. Ce sont des prédateurs à vue cette fois ci qui attraperont la proie avec leurs tentacules. Je pourrais continuer encore longtemps la liste de mollusques prédateurs, certains ayant de drôles de manières de faire, mais j’espère vous avoir déjà convaincus !

Dans cette vidéo une seiche se nourrissant. Une vivacité aussi surprenante que les céphalopodes le sont.

Certains voient aussi les mollusques comme des animaux visqueux et moches. En fait dans beaucoup de cas c’est tout le contraire et c’est bien pour cela que beaucoup de personnes collectionnent les coquilles de mollusques ! Premièrement certains ont de très belles couleurs et même certains bivalves peuvent être magnifiques. Les bénitiers géants en plus d’être de très gros mollusques abritent des « algues » dans leur manteau ce qui donne à leur intérieur une belle couleur bleue-verte.

Image d’un magnifique Bénitier. On a envie de lui faire un bisou ! Source de l’image : Bénitier affectueux .

Les Spondylus sont des bivalves dont la coquille porte de très belles expansions. 

Un  Spondylus à la coquille feu d’artifice. Source de l’image : Spondylus coquet

Mais la palme des plus beaux mollusques revient sans conteste aux nudibranches. Pourtant c’est mal parti pour eux, on les appelle « limaces de mer » ce qui n’a pas l’air très entraînant au premier abord. Mais ces gastéropodes (comprenant entre autre les bigorneaux et les escargots) portent des couleurs magnifiques et ont des formes surprenantes. Les nudibranches contrairement à la plupart des autres mollusques ont perdus leurs cténidies et ont d’autres formes de branchies souvent originales. Cela vaut pour un groupe de mollusques plus large les « opisthobranches » (groupe dont l’existence est discutée) et chez les nudibranches les branchies sont… nues, c’est à dire qu’elles ne sont pas protégées. Beaucoup de nudibranches (qui eux semblent être un bon groupe) sont brouteurs de cnidaires (méduses, coraux etc.). Les cnidaires piquent (vous le savez, peu de gens apprécient de se frotter à une méduse). Certains nudibranches utilisent les cellules urticantes des cnidaires et les stockent dans des papilles qui servent aussi parfois de branchies. Ces papilles en touffes forment souvent de magnifiques bouquets … Mais des images vous parleront mieux que des mots, regardez plutôt … 

Un des plus beaux : le Glaucus atlanticus. Source de l’image Glaucus atlanticus.
Tritonis elegans.  Ca pour être élégant, il l’est… Source de l’image : Tritonis elegans, le mollusque flocon de neige.

Nembrotha megalocera. Lui il s’est dit « quitte à avoir de jolies couleurs, autant avoir les plus belles ». Source de l’image : Nembrotha megalocera, la limace chatoyante

Au cas où vous douteriez de leur existence réelle, vous disant que des choses aussi jolies ne peuvent pas exister (et je vous comprends), voici quelques vidéos.

Comme quoi Glaucus atlanticus c’est pas un montage.


Un nudibranche s’attaquant vaillamment à un animal ressemblant à une anémone (d’ailleurs assez proche mais en fait c’est une cérianthe) 

Une « danseuse espagnole ». Rien à commenter.

Quoi ?! Vous n'en avez toujours pas assez ? On pourrait y passer des années ! Si vous voulez encore en prendre plein les mirettes cliquez ici (en fait cliquez, c'est un ordre !) : Nudibranches, National Geographic.

Au final cette grande diversité de formes et de modes de vie s’explique simplement par le fait que le groupe des mollusques est un groupe très large et ancien. Les mollusques comprennent environ 100 00 espèces, deux fois plus que tous les vertébrés réunis. Le groupe des mollusques est après celui des arthropodes (insectes et confrères à plein de pattes  (plus de quatre)) le deuxième plus important des animaux. Alors faire une généralité sur un groupe aussi vaste sera toujours risqué. Si je vous disais : « les mammifères sont herbivores » vous trouveriez probablement ça bizarre et faux ! En biologie en général, le fait que les êtres évoluent selon un arbre de la vie empêche toute généralisation hâtive. Et les mollusques sont si nombreux qu’avec eux, il y aura forcement des surprises…

Alors la prochaine fois qu’on vous traite de mollusque, répondez merci !

Pour aller plus loin :

-Brusca R.C. Brusca G.J. 2003. Invertebrates, second edition. Sinauer, Sunderland.

-Gabi G. 2008. coquillages ; étonnants habitants des mers. White star.

-Kuiter R et Debelius H. 2008. Atlas mondial des Nudibranches. Eugene Ulmer.

-Sur les cônes, Zonatus.

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