jeudi 26 avril 2012

Petit tour du zoo au plancton !

Lorsque l’on parle de plancton, la plupart des gens vont penser au krill, le met préféré des baleines. L’image qu'on en a est souvent est celle de petites crevettes microscopiques gigotant dans l’eau. Mais la définition du plancton est en fait différente. Les organismes planctoniques sont ceux qui sont incapables de nager à contre courant. Ce sont donc les organismes passifs par rapport aux mouvements de l’eau. A l’inverse, le neuston est l’ensemble des organismes capables de nager à contre courant par exemple nos chers faux amis les « poissons » ou les calmars. La première distinction connue est celle entre zooplancton et phytoplancton. Le zooplancton c’est le plancton animal et le phytoplancton c’est celui qui est capable de photosynthèse. Reste aussi le bactérioplancton constitué de bactéries et le virioplancton de virus.  Bien que la plupart des organismes du zooplancton bougent, ils ne peuvent pas résister au courant (dès que celui-ci n’est plus négligeable)… Au sein du zooplancton on en croise deux sortes : le méroplancton et l’holoplancton. Dans l’eau on aime bien tout balancer partout (gamètes et bébés), beaucoup d’organismes ont donc d’étranges larves qui lorsqu’elles se métamorphoseront tomberont au fond et rejoindront le benthos (les organismes du fond). On parle de méroplancton. A l’inverse les animaux planctoniques qui restent toute leur vie dans la colonne d’eau (pelagos) sont appelés holoplanctoniques. C’est essentiellement de ça dont je vais vous parler, les larves, ce sera pour plus tard. Par ailleurs, je vais me concentrer sur le plancton marin plutôt que d’eau douce.

Une « crevette » du krill, le plus people des planctons.  Source  : pitit krill !

Et une représentation anthropomorphisée (on dirait des humains-crevette) du krill provenant de Happy Feet 2.  Source : happy krill.
Les possibilités de formes que l’on trouve dans l’univers planctonnique semblent infinies, c’est là qu’on y trouve les animaux les plus ahurissants. Il semble qu’une des contraintes majeures soit de flotter et donc de trouver les formes les plus bizarres pour cela semble être un défi d’envergure… Que beaucoup relèveront avec brio !

Premièrement parlons du plancton le plus commun… Allez sur un bateau, prenez un filet adapté à la prise de plancton, filtrez et vous aurez très probablement trouvé deux protagonistes en grand nombre. Le plus commun de tous c’est Monsieur Plancton ! Oui celui de Bob l’éponge ! Et bien c’est un copépode ! De petits "crustacés" qui nagent avec deux longues antennes et avec un seul œil au milieu ! Tels de petits cyclopes. Les copépodes sont de loin, les organismes les plus communs du plancton. Si vous buvez la tasse il y a de fortes chances pour que vous en avaliez quelques-uns. Autant dire que leur importance dans toute la chaîne alimentaire des océans est primordiale.

Une représentation d’un copépode en furie. Source : Mr Plankton.


Parce que Bob l’éponge c’est rigolo mais graphiquement c’est limité, voici une des magnifiques planches d’Haeckel qui nous représente les copépodes d’une manière légèrement différente ! Source : planche d'Haeckel : copépodes.

Nos seconds amis sont les appendiculaires. Ils appartiennent au groupe des tuniciers dont j’ai déjà parlé ici : deutérostomiens et ici : complexité. Ces petits tuniciers ressemblent à des virgules. Ils filtrent les particules alimentaires de l’eau comme la plupart des tuniciers. Pour cela ils créent une loge en mucus (gélatineuse quoi) à l’allure très compliquée. Ils vont la changer jusqu’à 10 fois par jour (pas très économes !) très probablement pour se débarrasser des débris trop gros qui restent coincés dans la loge de mucus. Et ce qu’il y a d’important, c’est qu’ils vont participer à la « neige organique ». Cette loge de mucus contenant principalement des sucres va couler et servira de gourmandise aux organismes vivant profondément, là où la photosynthèse ne se fait plus… Quelle générosité ! Ils distribuent des sucreries à tout le fond des océans.

A gauche un appendiculaire en forme de virgule (source : appendirgule), à droite un appendiculaire avec sa loge en mucus. Arriverez-vous à y retrouver l’animal ? (source : appendimaison)

Avec ces deux exemples vous voyez comme quoi même si on ne paye pas de mine, on peut gouverner les océans… Mais nos deux compères sont relativement petits… Or rien dans la définition du plancton ne nous parle de la taille ! Et oui, dans le plancton on peut en trouver des maous  costauds…

Dans le mille ! Les méduses sont du plancton ! Et si beaucoup ont effectivement une taille inférieure à 1cm usuellement attendue d’autres peuvent être gigantesques comme la problématique Nemopilema nomurai dont Taupo a parlé sur SSAFT.

Z’avez peur des méduses à la plage ? Evitez donc celle ci…  Source : ça c'est de la méduse !
Un de mes amours de zoologiste c’est le groupe des cténaires, normal, je les ai étudiés lors de ma deuxième année de master. Si certains rappellent superficiellement les méduses (dont ils ne sont probablement pas particulièrement proches) d’autres ont des formes bien plus atypiques. Notamment la ceinture de vénus ou Cestum veneris, d’après moi le plus beau et le plus gracieux des cténaires (y’a pourtant de la compet’). Je ne vais pas m’y attarder parce que là aussi je pense que j’en reparlerai plus tard ! Cette forme de grand ruban peut atteindre jusqu’à 1,50m. Alors si vous me dites encore que le plancton c’est des petits animaux je deviens tout rouge !


Cténaires et méduses sont des prédateurs mais d’autres plus discrets et plus actifs sévissent dans le plancton. Parmi les plus communs se trouvent d’étranges animaux inconnus du grand public. Les chaetognathes (ou vers sagittaires car ils ont la forme élancée d’une flèche, Naldo les a évoqués ici : conodontes) ne sont connus quasiment que par les gens qui ont eu un jour ou l’autre des cours de niveau universitaire en zoologie… Et encore ! Ces terribles prédateurs chassent les copépodes (autant dire qu’ils ont de quoi manger), ils sont donc très important dans la régulation des populations de copépodes ! Aussi méconnus qu’importants... Quelle injustice ! Ces animaux transparents peuvent faire jusqu’à plus de 10cm. Et ils se servent de deux terribles mâchoires formées de crochets pour semer la terreur chez les copépodes… D’ailleurs « Chaetognatha » signifie « mâchoire soyeuse ». Le plus curieux avec ces vers sagittaires c’est leur position dans la classification des animaux. Rarement un animal aura été aussi réticent à se laisser classer ! Et Darwin lui-même (z’avez vu, on aime beaucoup parler de lui ici) a dit des chaetognathes qu’ils sont « remarquables pour l’obscurité […] de leurs affinités ».

Un chaetognathe en pleine orgie. Miam miam ! Source : chaetognathe heureux.
Un ver élancé et prédateur ! Tiens, il y a aussi le magnifique Tomopteris. C’est une annélide ou ver à anneaux ! Hmmm je pense que l’image parlera d’elle-même. Je vais me passer de commentaires pour cette fois !

Vous avez le droit de pleurer tellement c’est zouli. Et croyez-moi, à voir nager ça l’est encore plus !  Source : Tomopteris.

Mais attendez, si les formes jusque là sont déjà incroyables préparez-vous, là ça va envoyer du lourd.

Une de mes plus incroyables expériences zoologiques qui m’a fait adorer les mollusques encore plus est celle ci : j’effectuais un stage dans une collection zoologique où je devais ranger la collection de mollusques. Tout allait très bien, je découvrais des formes de coquilles géniales, j’étais content comme un poisson bigorneau dans l’eau ! Jusqu’au moment où je suis tombé sur un truc difforme ! Ça :

Un heuuu… enfin heuuu…. J’avais dit quoi déjà ? Ah oui, Pterotrachea. Remarquez sa forme de… heuuu de… enfin… de rien ! Source : mollusque mystère
Alors là c’est une belle photo hein mais imaginez ça dans de l’alcool au fond d’un tiroir de collection… C’en était sûr : Les mollusques sont vraiment pleins de surprises. Vous détailler d’où lui vient cette forme étrange serait long et fastidieux et même moi, je ne la comprends pas très bien ! Sachez cependant que ces mollusques sont des gastéropodes : en gros ce sont des escargots très étranges (mollusques). Certains mollusques très proches de Pterotrachea ont encore une toute petite coquille conique… Voilà qui est rassurant !

Restons dans les formes bizarres et présentes sur nos côtes avant de plonger dans les abysses. Les siphonophores déjà traités par JP Colin (Les siphonophores sont les plus forts) sont des organismes coloniaux proches des méduses. A plusieurs on peut faire du bon travail et certains vont jusqu’à atteindre plusieurs dizaines de mètres ! Trop fort les siphonophores ! Et si quand on est seul on peut avoir des formes psychédéliques, quand on est plusieurs les possibilités sont multipliées ! Regardez donc ces étranges formes de cloches !

C'est vrai que les siphonophores sont très forts. Source : siphonoforts.
En parlant de colonies, d’autres aussi font du bon travail de groupe : les pyrosomes. Ces étranges colonies de tuniciers (encore eux ? Ben oui ce ne sont finalement pas que des sacs passifs), s’organisent en doigt de gant en une forme étrange et gracieuse. Chaque individu de la colonie avale l’eau par l’extérieur et la rejette dans une loge commune à l’intérieur du doigt de gant permettant alors la nage à réaction ! S’ils ne peuvent pas atteindre la vitesse d’un calmar au moins ils ont le mérite d’essayer !

Bon y’a du jeu dans les couleurs mais quand même, avouez que ça fait du bien aux mirettes !  Source : pyrosome.

Parce qu’il n’est pas facile de comprendre comment ça fonctionne, voici un schéma de pyrosome. Source :  pyrosome en coupe.

Un pyrosome très géant et d’autres tuniciers planctoniques.

D’ailleurs dans cette vidéo vous voyez deux autres sortes de tuniciers planctoniques : des dolioles qui sont simplement des sacs qui nagent à réaction et les salpes, des colonies linéaires de tuniciers que l’ont voit à la fin de la vidéo… Oh et donc sachant que je suis un amoureux des cténaires, je ne peux pas m’empêcher de partager cette photo d’une Lampea (un cténaire amateur de salpe) se faisant un festin… Bataille de plancton !

Ça me donne presque faim... Source : Lampea gourmande.
Les siphonophores et beaucoup de cténaires se trouvent entre autre justement dans les abysses. Et qui va t’on y croiser ? Notre cher ami le Chaetopterus pugaporcinus ou ver cul de cochon, notre fameux gagnant du concours de l’animal le plus obscène. On ne se privera pas d’une image supplémentaire de cette autre étrange annélide (bande de cochons)…

Bon, la photo parle d’elle-même… Source : notre grand gagnant.
Dans le genre « moi j’suis un animal que personne il m’attend à me voir flotter mais j’m’en fout j’le fais quand même » on a certains concombres de mer ! Et oui, nos deuxièmes sur le podium des animaux obscènes laissent parfois de côté leur forme phallique et se laissent aller à la flottaison… Tout en n’oubliant pas de garder de drôles de formes comme ce mystérieux concombre de mer :

Oui oui c’est un concombre de mer ! Source : l'étrange concombre...
Mais il y a aussi le drôle Enypniastes eximia qui est aussi un concombre de mer :


Voilà, pour finir une chouette vidéo où l'on retrouve quelques-uns de nos protagonistes :


Et une autre vidéo avec des images sublimes et bien contée en plus !


Ce petit tour du plancton était un prétexte pour vous montrer encore une fois que la diversité au sein des animaux est hallucinante et que malheureusement beaucoup de magnifiques formes qui pourtant ont une importance primordiale dans les écosystèmes marins sont pourtant quasiment inconnues du grand public…

Pour aller plus loin, n'hésitez pas à cliquer sur les liens dans l'article ou à aller sur wikipédia ;)

1 commentaire:

  1. Bonjour, il semblerait qu'une petite erreur se soit glissée dans votre introduction: Vous semblez confondre neuston (plancton vivant dans les couches de surface de l'eau), et le necton qui caractérise les organismes dont la circulation est décorrélée des courants (inverse plancton). Par ailleurs, merci pour ce bel article ;)

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