mardi 15 mai 2012

Quand diversité rime avec homogénéité : le cas des Monocotylédones

Salut à toi, chère lectrice, cher lecteur. Tu l’as certainement remarqué si tu regarde au moins une fois par jour par la fenêtre, c’est le printemps ! Et si tu as bien regardé, les plantes s’en donnent à cœur joie ! C’est à qui sortira la première la tête du sol et fleurira en premier pour attirer les insectes… Mais pas seulement les insectes ! Car dès que le printemps est là, les botanistes sont de sortie !
Aujourd’hui, donc, je m’en vais te présenter un grand groupe de plantes à fleurs : les Monocotylédones. Quoi qu’est-ce ? me diras-tu. Eh bien, sous ce nom un tantinet barbare se cachent de nombreuses plantes, dont voici un aperçu :

Un exemple de la diversité florale des Monocotylédones : Sabot de Vénus, Fleur de Bananier, Oiseau de Paradis, Perce Neige, Tradescantia, Tulipe
Ah, tout de suite, avec une image, c’est plus simple, on a une idée plus claire. Maintenant, laisse moi t’éclairer sur ce que sont vraiment les Monocotylédones… même si, tu t’en rendras bien vite compte, tu en connais plus que tu ne le pense sur ces plantes au nom étrange.

Voici comment je compte présenter ce groupe : cet article va certainement paraître un peu « catalogue », mais la diversité est grande dans ce groupe et je vais avoir du mal à faire un tri dans tout ce qui compose ce grand ensemble. Si vous souhaitez, vous pouvez donc parcourir l’article en fonction des illustrations qui le jalonnent et vous arrêter où vous souhaitez, pour lire un paragraphe sur un groupe en particulier (ils seront reconnaissables à la typographie particulière) ou bien tout lire dans son ensemble, paragraphe après paragraphe. Comme vous le sentez ! Dans l’ensemble, j’ai pris des exemples que vous connaissez tous mais pas forcément en détail. 

Les Monocotylédones sont un groupe de plantes situé au sein des Angiospermes : il s’agit d’un clade, encore appelé groupe monophylétique (pour ceux qui auraient oublié, cela correspond à un ensemble d’êtres vivants qui regroupe un ancêtre et tous ses descendants).

Un arbre des Angiospermes simplifié (voir aussi cet article sur ce même blog)

Parmi les Amborellales, on ne trouve qu’Amborella trichopoda  ; parmi les Nymphaeales, on trouve toutes les espèces proches de Nymphaea alba que l’on connaît aussi sous le nom de Nénuphar. Les Autrosbaileyales sont un ordre qui ne contient qu’une famille (les Austrobaileyaceae) qui ne contient elle-même qu’un genre et qu’une espèce : Austrobaileya scandens. Les Magnollids quant à eux regroupent plus de plantes, entre autre les espèces du genre Magnolia (comme ici, Magnolia grandiflora ) ou encore les espèces de l’ordre de Piperales, qui regroupent les différents poivres consommés dans nos assiettes. Nous avons également les Monocots, appelés Monocotylédones en français – nous en reparlerons plus tard – et les Eudicots, appelés Eudicotylédones en français, qui sont un groupe très largement représenté à la surface de la Terre ; vous avez ici un exemple d’Eudicots : Bellis perennis appelée aussi Pâquerette.

Mais revenons à nos Monocotylédones. D’après l’arbre ci-dessus, il ne s’agit que d’un groupe de plantes à fleurs parmi tant d’autres… et pourtant, je vais vous montrer plus en détail qu’il s’agit d’un groupe extrêmement diversifié, dans lequel les phyllum sont nombreux et possèdent chacun leurs spécificités.

Arbre phylogénétique des Monocotylédones, d'après Chase et. al 2009
D’après l’arbre ci-dessus, les Monocotylédones présentent un grand nombre d’ordres : je vais faire de mon mieux pour vous présenter, par la suite, ceux qui me semblent les plus intéressants.

Nous avons donc vu que les Monocotylédones étaient un clade à part entière, inclus dans le grand arbre des plantes à fleurs. Maintenant, je vais te présenter quelques caractères propres (=synapomorphies) aux Monocotylédones.
Avant toute chose, je vais utiliser des termes morpho-anatomiques décrit précédemment dans cet article.
De manière générale, les Monocotylédones possèdent des fleurs trimères, c'est-à-dire que le nombre de pièces florales au sein d’un verticille (rappelons que l’on trouve la plupart du temps 4 verticilles au sein d’une fleur : les sépales, les pétales, les étamines, le pistil) est un multiple de 3 ; par exemple, prenons la Tulipe :

Une tulipe (vue générale, vue rapprochée)
On y trouve 6 tépales (équivalent des sépales et pétales non différenciables entre eux), 6 étamines et 3 carpelles constituant le pistil. Nous avons bien ici des multiples de 3 uniquement. Je vous ai peut être un peu perdu… voilà de quoi bien fixer les idées :

Schéma d'une coupe de fleur de Monocotylédone "typique"
Mais attention, la présence d’une fleur trimère n’en fait pas une synapomorphie ; en effet, les chercheurs se sont aperçu que ce caractère souvent retrouvé chez les Monocotylédones était en réalité un caractère ancestral : il s’agit donc ici d’une symplésiomorphie, c'est-à-dire d’un caractère ancestral partagé par l’ensemble des Monocotylédones. (d’après Simpson, 2010) Par exemple, Amborella trichopoda, précédemment citée dans le premier arbre phylogénétique dans cet article, peut tout à fait posséder 6 tépales… et pourtant, ce n’est pas une Monocotylédone ! Cette trimérie est donc bien une symplésiomorphie.
Une des synapomorphies (cette fois ci, c’en est vraiment une !) de ce groupe est la présence d’un seul cotylédon (d’où le nom : « mono » – un – « cotylédone » – cotylédon). Rappelons que les cotylédons sont les premières feuilles à sortir de la graine lors de la germination. Ce sont aussi des organes de réserves nutritives disponibles pour l’embryon présent dans la graine (chez certaines espèces uniquement).
Les Monocotylédones possèdent également des feuilles à nervures dites parallèles (voir photo suivante) : ce caractère est une autre synapomorphie du groupe.

Parmi d’autres synapomorphies intéressantes, citons également l’absence de croissance secondaire chez tous les Monocotylédones : ces plantes ne fabriquent pas de bois et n’ont pas d’accroissement en largeur (mais seulement en hauteur). Je discuterai de ce point plus tard. Ajoutons à cela que les vaisseaux conducteurs des sèves des Monocotylédones ont une disposition particulière : on parle d’atactostèle  par opposition à la disposition que l’on trouve chez d’autres plantes que les Monocotylédones, telles que les Eudicotylédones :


A gauche, une actatostèle (typique des Monocotylédones), à droite, une stèle typique des Eudicotylédones
A présent, je vais présenter quelques familles emblématiques des Monocotylédones ; tu verras qu’en fin de compte, tu les connais bien, ces plantes là !
[Retour au plan]
Les Alismatales (ça existe ça ?)

Parmi les Alismatales (voir arbre phylogénétique plus haut) se trouve la famille des Araceae. Kesako ? me direz vous. Eh bien, dans cette famille, on trouve bon nombre de plantes bien connues présentes dans toutes nos jardineries ! Entre autre, les Phylodendrons, qui sont des lianes tropicales, mais on en trouve aussi sous nos latitudes, comme par exemple l’Arum Tacheté Arum maculatum… ou encore les Lentilles d’eau ! Si si parfaitement !
Les plantes de cette famille possèdent une synapomorphie facilement identifiable (sauf chez les Lentilles d’eau) : il s’agit de l’inflorescence, très particulière, composée d’un spadice entouré d’une spathe. Mais encore ? me diras tu… de quoi s’agit il ? Avec un dessin, c’est toujours mieux.
Dessin de l'inflorescence d'un Arum
Chez l’Arum Tacheté, largement réparti en milieu tempéré, la pollinisation est assez peu conventionnelle : la présence d’une spathe et d’un spadice permet un fonctionnement très spécial. En effet, cette plante est pollinisée par de petits moucherons. Elle attire ces insectes en produisant, au niveau de l’inflorescence, une odeur de charogne en décomposition ; elle produit aussi de la chaleur, ce qui renforce l’impression, pour l’insecte, qu’il s’agit d’un animal mort à consommer (Bournérias & Bock, 2006). L’insecte entre dans la spathe, descend au fond de l’inflorescence en espérant trouver à manger. Au passage, il se frotte aux étamines et récupère involontairement du pollen sur son corps. Une fois arrivé au fond de l’inflorescence, il ne peut plus remonter car il est bloqué par des fibres rigides… Est la fin ? me direz vous. Mais pas du tout ! Il faut attendre quelques temps que l’inflorescence arrive à maturité : à ce moment, les fibres se ramollissent, ce qui permet un passage de l’insecte, qui s’envole vers d’autres cieux fleurs d’Arum, qui elles ne sont pas encore matures et produisent une odeur de charogne. Les moucherons rentrent alors dans cette nouvelle inflorescence, chargés de pollen ; ils se dirigent une nouvelle fois vers le fond et… au passage déposent du pollen sur les stigmates, situés au fond de l’inflorescence ! Il y a donc eu un transport de pollen d’une plante à une autre, ce qui permettra une fécondation croisée et réduira le risque de « consanguinité » chez ces plantes.

A gauche, une feuille d'Arum maculatum, au centre une inflorescence d'Arum maculatum, à droite une coupe dans la spathe d'Arum maculatum, permettant de voir les moucherons piégés dans l'inflorescence
Un autre caractère particulier de cette famille est que, contrairement à ce que j’ai dit au début, les feuilles de certaines espèces présentent une nervation qui n’est pas parallèle mais réticulée (c'est-à-dire en réseau) : il ne faut donc pas se fier aux apparences premières et bien étudier tous les caractères d’une plante avant de proposer une identification correcte ! par exemple en regardant plus précisément l’organisation interne de la tige (actatostèle ou non, voir plus haut) ; c’est grâce à ce genre de caractères que l’on peut savoir dans quel groupe se situe la plante étudiée.


Les Pandanales (un jeu de mot mal placé ?)

Parlons à présent d’un autre ordre (voir arbre phylogénétique plus haut) : les Pandanales. Et en particulier, une famille de plante qui se trouve dans cet ordre, les Pandanaceae. Cette famille contient le genre Pandanus, qui est économiquement un genre très important dans les îles du Pacifique. En effet, ces plantes sont utilisées dans la construction d’habitations, mais aussi en tant que nourriture (les fruits sont consommés).
Une particularité des plantes de ce genre est qu’elles possèdent une croissance sympodiale. Mais encore, me direz-vous ? Eh bien c’est le contraire de la croissance monopodiale. Oui, bon, ça ne nous aide pas non plus…
Schéma d'une plante à croissance monopodiale (en haut) et d'une plante à croissance sympodiale (en bas). Les ronds noirs sont les bourgeons qui ont une croissance limitée dans le temps.
Dans le cas d’une croissance monopodiale, l’ensemble de la plante est initié, fabriqué, par un seul et même bourgeon terminal, appelé méristème apical caulinaire. C’est le même bourgeon tout au long de la vie de la plante. C’est comme ça que se construit une très grande majorité de Monocotylédones. Mais dans le cas des Pandanus, la croissance est sympodiale, c'est-à-dire que la plante est d’abord initiée par un méristème apical caulinaire - appelé aussi bourgeon terminal-  qui fini par mourir. La croissance est alors reprise par des méristèmes axillaires - des bourgeons situés à l’aisselle des feuilles, qui ne se développent que lorsque le bourgeon terminal meurt - qui se succèdent dans le temps car ils cessent de fonctionner au bout d’un moment. La conséquence de ce type de croissance est un port avec beaucoup de ramifications (généralement dichotomiques, c'est-à-dire ramifiées en forme de Y).

Les Liliales (un ordre royal !)

Nous avons vu une particularité des Pandanales – à savoir la croissance dichotomique – et maintenant, nous allons nous concentrer sur un autre ordre, celui des Liliales. Suite à la dernière classification APG III (oui souvenez vous, c’est le nouveau système de classification des plantes à fleurs, qui prend en compte les relations évolutives entre les différentes familles de plantes ; voir aussi cet article ), le groupe des Liliales, qui regroupait auparavant de nombreuses familles de Monocotylédones, a explosé, c'est-à-dire que les familles auparavant « rangées » dans le groupe des Liliales se sont retrouvées « rangées » dans d’autres groupes. Depuis, il ne reste que 10 familles présentes dans ce groupe. Je vais ici présenter la famille des Liliaceae que beaucoup d’entre vous connaissent, j’en suis sûr. En effet, dans cette famille se trouvent toutes les plantes du genre Lilium c'est-à-dire… le Lys, symbole des royautés ! mais aussi d’autres plantes telles que les Tulipes (dont nous avons déjà parlé plus haut).

En voilà une belle fleur de Lys !
Ces plantes possèdent des fleurs typiques de Monocotylédones : 6 tépales (sur deux rangées), 6 étamines (sur 2 rangées également) et un gynécée composé de 3 carpelles soudés supères. C'est-à-dire que la partie femelle de la fleur est constituée de 3 carpelles (là où sont enfermés les ovules) qui sont soudés entre eux, et situés au dessus de l’insertion des tépales sur le pédoncule. Comme vous le voyez, la trimérie (c'est-à-dire une fleur en base 3) est évidente.


Les Asparagales (elles sont belles mes asperges, on en profite !)

A présent, je vais vous parler des Asparagales. Tiens c’est bizarre, ce nom me rappelle celui des Asperges… C’est bien normal ! Les Asperges se situent dans la famille des Asparagaceae, elle-même dans l’ordre des Asparagales. Mais d’autres plantes se situent dans cet ordre ; je suis sûr que vous en connaissez un grand nombre. Voyez par vous-même…

Une Orchidaceae, une Iridaceae, une Alliaceae
Je suis certain que vous connaissez les Orchidées… ou encore appelées Orchidaceae. Sachez qu’il s’agit d’une des familles de plantes où l’on retrouve le plus d’espèces. Environ 27000, d’après ce site , réparties dans 925 genres. Mais le plus impressionnant, c’est que les fleurs de ces plantes sont toutes ou presque construites sur le même plan d’organisation. En effet, lorsqu’on voit une fleur d’Orchidée, on sait immédiatement que c’en est une. Pourquoi ? Eh bien tout d’abord, elle présente une symétrie bilatérale, c'est-à-dire qu’elle n’a qu’un seul plan de symétrie. On appelle ça une fleur zygomorphe.

Un Geranium (Geraniaceae) possède une symétrie radiale, appelée aussi actinomorphie, tandis qu'un Paphiopediulm (Orchidaceae) possède une symétrie bilatérale, appelée aussi zygomorphie.
Ensuite, elle possède bien 6 tépales… dont un est transformé ! Il s’appelle le labelle et sert en quelque sorte de « piste d’atterrissage » pour les insectes qui viennent polliniser la fleur. Si les 5 autres tépales se ressemblent tous un peu entre eux, le labelle quant à lui peut prendre des formes, des tailles et des couleurs extrêmement variées. Voyez par exemple ces deux Orchidées et leurs labelles si différents !
A gauche, Ophrys Abeille, à droite, Orchidée Vampire. Il s'agit de la même famille, et pourtant la morphologie est très différente...
Bon, je ne vais pas m’étendre sur le sujet plus longtemps, je pourrais y passer des heures… Peut être cette thématique fera t elle l’objet d’un prochain article plus détaillé sur cette grande famille, qui sait ?

Parmi les Asparagales, on trouve également les Iridaceae. Cette famille est représentée dans nos jardins par un grand nombre d’hybrides mais on peut aussi trouver d’autres espèces sauvages, tel que l’Iris des Marais Iris pseudoacorus.

Une fleur d'Iris pseudoacorus, avec en arrière plan à gauche les feuilles correspondantes
Une des particularités de ces fleurs, c’est la présence d’un style pétaloïde : le style (la structure qui porte le stigmate, là où se dépose le pollen) a la forme d’un pétale, d’où le nom. Là encore, on remarque que la fleur est typique d’une Monocotylédone (en base 3). De plus, la croissance de ces plantes s’effectue à l’aide d’un rhizome, c'est-à-dire une tige à croissance agéotropique (plus simplement, à croissance horizontale)… Eh oui, un rhizome est bien une tige, et non pas une racine, comme on le pense souvent. Il suffit pour cela de faire une étude de l’anatomie interne et on s’en rend compte immédiatement (mais je ne vais pas le faire ici, c’est trop long). Les feuilles sont également facilement reconnaissables : elles ont une forme effilée avec un bout pointu, typique des Iridaceae.

Au sein des Arsparagales, on trouve aussi la famille des Alliaceae. Elle regroupe toutes les plantes du genre Allium, c'est-à-dire les Aulx (ou Ail au pluriel !) qui sont beaucoup utilisés dans la cuisine européenne. Entre autre, le Poireau, dont le nom scientifique est Allium porrum ! ou bien encore l’Oignon Allium cepa.

Allium cepa, inflorescence et bulbe

En règle générale, la tige des plantes de cette famille est très réduite. Elle est tellement condensée qu’elle n’est pas visible ! Mais alors, comment la plante fait elle pour grandir si elle n’a pas de tige ? Petite explication : comme vous le savez certainement, les plantes à fleurs sont toutes construites sur le même modèle, à savoir que l’élément morphologique de base est le phytomère (voir schéma suivant) autrement dit un ensemble formé par un nœud, où se situent la feuille, la bractée (qui est une sorte de petite feuille) et le bourgeon, et un entre nœud, qui correspond à la tige.

Schéma d'un phytomère, donnée originale
Chez l’Oignon, par exemple, ce qu’on appelle le bulbe, c’est en réalité l’ensemble formé par une tige souterraine condensée et des feuilles non photosynthétiques gorgées de réserves, très charnues : les entre nœud (=la tige) sont tellement raccourcis que les nœuds s’empilent les uns sur les autres !

Photo d'une coupe longitudinale d'Oignon. 1 : écailles charnues, ou feuilles de réserve ; 2 : bourgeon ; 3 : écailles sèches ; 4 : plateau = tige réduite ; 5 : racines adventives ; 6 : restes des feuilles de l'année précédente
Lorsqu’on ouvre un oignon et qu’on le découpe pour l’utiliser en cuisine, ce qu’on met dans la poêle, ce sont en réalité des feuilles charnues, non photosynthétiques, qui servent à stocker des réserves pour le fonctionnement de la plante.



Les Commelinids (où nains et géants se côtoient...)

A présent, passons à un autre groupe de plantes : les Commelinids. Vous connaissez très bien certaines plantes de ce clade… si si je vous assure ! Vous allez voir ça tout de suite.

Dans ce groupe se trouve les Arecales, un ordre comportant une famille unique, celle des Arecaceae… encore appelée famille des Palmiers ! Ah, tout de suite, on voit à quoi ça correspond. Sachez en tout cas qu’une des synapomorphies de cette famille est la présence d’une structure appelée stipe, qui permet dans la majeure partie des cas un port arborescent. Attention cependant, bien que les Palmiers puissent atteindre jusqu’à 30 m de haut, ils de produisent pas de bois ! Comment ça, pas de bois ? Mais oui ! En effet, le bois est un tissu végétal issu de la croissance secondaire (autrement dit, une croissance en épaisseur, initiée par un tissus spécifique appelé le cambium, et qui donne des structures concentriques : les cernes)… et chez les Monocotylédones, il n’y a pas de croissance secondaire ! Pour en être certain, comparons une coupe de tronc d’arbre et de stipe de palmier :
A gauche, un schéma d'une coupe transversale de stipe de Palmier, à droite, un schéma d'une coupe transversale d'un tronc de Dicotylédone. Voir aussi ici et .
Comme on peut le voir chez le Palmier, les faisceaux conducteurs de sève sont répartis dans la « chair » centrale de la plante tandis que dans le tronc d’un arbre, le bois est constitué de successions de vaisseaux conducteurs, mis en place année après année (au passage, c’est ce phénomène d’accumulation qui engendre la formation des cernes du bois… qui permettent de donner l’âge d’un arbre !).

D’autres plantes bien connues du grand public se trouve au sein des Commelinids, comme par exemple celles situées dans l’ordre des Zingiberales, dans la famille des Musaceae… qui est la famille de la banane ! Là encore, bien que les bananiers se développent en plantes de plusieurs mètres de hauteur, ils ne fabriquent pas de bois… ni de stipe ! Comme une grande majorité des Monocotylédones, ces plantes sont constituées d’éléments successifs emboités les uns dans les autres ; seulement ici, les gaines des feuilles sont persistantes et permettent l’élaboration d’un « tronc » qui contribue à porter en hauteur les nombreuses feuilles. Attention, ce n’est pas un vrai tronc, car il n’y a ni croissance secondaire, ni tissus ligneux (=tissus comportant une molécule appelée lignine, responsable de la rigidité du bois) ! J’utilise ce terme uniquement pour vous donner un point de comparaison.
Ce sont des plantes dites hapaxantiques, c'est-à-dire qui meurent après avoir effectué leur seule et unique floraison, qui peut avoir lieu plusieurs années après la germination de la plante. Après floraison, elles produisent des fruits bien connus dont j’ai déjà parlé plus tôt : il s’agit des bananes. Mais… c’est bizarre ça, quand on mange une banane, on ne trouve pas de graines ! Comment cela est il possible ? Eh bien, les bananes que l’on trouve dans nos supermarchés sont produites par des arbres sélectionnés exprès : ils possèdent un génome triploïde et n’engendrent que des fruits sans graines ! Mais à l’état sauvage, les bananes possèdent bien des graines !

En haut, une coupe dans une banane sauvage... on distingue toutes les graines ! à droite, une coupe dans une banane cultivée, sans graines
Notre promenade parmi les Monocotylédones va bientôt se terminer. Mais j’ai gardé le meilleur pour la fin ! Je vais à présent vous dévoiler l’existence d’une famille très commune, mais qui se retrouve dans toutes les parties du globe il s’agit de la famille des Poaceae (située dans l’ordre des Poales) anciennement appelée famille des Gramineae. Elle comporte environ 668 genres et 9500 espèces ! Elles doivent leur capacité de colonisation de tous les milieux en particulier à leur système de multiplication végétative sous forme de rhizomes ou de stolons ; elles restent ainsi facilement ancrées dans le sol et supportent le piétinement, l’arrachage ou l’herbivorie car elles peuvent malgré toutes ces contraintes reformer leur appareil végétatif aérien (=toute la partie aérienne dévouée à la photosynthèse et non à la production de fleurs et de graines)  lorsque la perturbation est passée. Vous voyez de qui je veux parler ? Non ? De l’herbe en général. Eh oui, ce que l’on nomme « le gazon », « les mauvaises herbes », « le chiendent », « le foin » et encore plein d’autres… ce sont des Poaceae !

A gauche, Arrhenatherum elatius, une Poaceae très commune des bords de chemin, à droite, Elytrigia sp.
Les Poaceae produisent des fleurs très modifiées, dont le périanthe (c'est-à-dire l’ensemble formé par les sépales et les pétales) est très différent de tout ce qu’on a pu voir jusqu’à maintenant. Avec un schéma, c’est plus simple.

Schéma d'une fleur de Poaceae typique. Comme on peut le voir, le périanthe est extrêmement réduit alors que les pièces fertiles (androcée et gynécée) sont hyper développées. 
Ici, les fleurs sont regroupées en inflorescences appelées épillets… eux même généralement regroupés en épis. Ainsi, la plante peut produire un nombre de graines très importantes dans un petit espace. Mais pourquoi faire des fleurs si petites ? Pourquoi avoir un périanthe si réduit et si pauvre en couleur, me direz vous ? En réalité, si les fleurs sont si petites, c’est certainement parce qu’elles sont pollinisées par le vent (on parle alors d’anémogamie) et non par les insectes : la présence d’une grande corolle colorée n’a pas lieu d’être lorsqu’il suffit que les étamines s’ouvrent et libèrent leur pollen pour assurer la pollinisation !
Mis à part l’herbe, vous connaissez beaucoup de Poaceae : le blé (Triticum aestivum), le maïs (Zea mays), le riz (Oryza sativa) qui sont les trois céréales majoritairement consommées dans le monde et à base de l’alimentation de milliards de personnes ! Comme quoi, on en mange tous les jours, mais on ne sait pas forcément à quoi ça correspond…


Ouf ! Cet article se termine. J’avoue que je t’ai peut être embrouillé quelque peu, chère lecteur, chère lectrice, mais le sujet me semble si passionnant que j’ai dû me restreindre pour n’en tirer que les informations qui m’ont parues dignes d’intérêt.
Nous avons donc vu que dans ce grand ensemble qu’est le clade des Monocotylédones, on trouve beaucoup de variations entre les groupes… mais qu’on retrouve également plein de choses communes, et qu’il n’y a qu’un petit monde entre la petite pousse d’herbe entre les fissures des trottoirs de Paris et les Palmiers de Nouvelle Calédonie !

Bibliographie :

La majorité des informations présentes dans cet article proviennent du livre Plant Systematics de M.G. Simpson et d’un grand nombre de notions apprises depuis la L1 ; il m’est donc difficile de faire un inventaire exhaustif de toutes les sources utilisées. Quelques données proviennent du livre Le génie des Végétaux de M. Bournérias et C. Bock, déjà utilisé dans d’autres articles. J’ai aussi utilisé l’article An update of the Angiosperm Phylogeny Group classification for the orders and families of flowering plants: APG III de Chase et al. ainsi évidemment que la grande ressource d’Internet pour les images.


4 commentaires:

  1. Merci pour cet article très clair.
    Bonne continuation !

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  2. Article intéressant en effet. Qu'en est-il de la classification des Magnolidées en Paléoherbes et Paléoarbres? Est-elle officielle?
    Bonne continuation aux poissons fantômes!

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  3. Ce que vous appelez les "paléoherbes et paléoarbres" correspondent-ils à l'ensemble actuel formé par les Magnoliids? (voir cet arbre phylogénétique sur ce site http://www.mobot.org/mobot/research/apweb/ dans l'onglet "tree" en haut de la page)
    L'appellation "paléoherbes" ou "paléoarbres" n'est pas utilisée en systématique des Plantes à Fleurs pour la bonne raison que le préfixe "paléo" fait référence à une notion de passé révolu. Hors ces plantes actuelles, bien qu'elles présentent des caractères dont les états sont ancestraux (opposé à la notion de dérivé), ne doivent pas être considérées comme "primitives" ou "moins évoluées". En revanche, on peut effectivement dire que le groupe des Magnoliids est apparu plus tôt - au cours des temps géologiques - que d'autres groupes (comme par exemple des plantes de la famille des Roses). Si c'est en cela que vous entendiez l’appellation "paléoherbes et paléoarbres", cela se comprend... mais c'est aussi faux que de dire que le Coelacanthe est un "fossile vivant". Comme je le disais, si le groupe des Magnoliids est plus vieux que d'autres groupes de Plantes à Fleurs, cela ne veut pas dire qu'il est moins évolué, mais seulement qu'il est apparu tôt au cours du temps. J'espère avoir répondu à votre question.

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  4. Merci. Vos explications assorties de photos m'ont beaucoup aidé à"débrouiller" mon cours de botanique.J'y vois bien plus clair.

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