mardi 29 septembre 2015

L'histoire poilante des cils

 

« On a tous besoin d’un plus petit que soies »

Si vous pensez que cette phrase est mal orthographiée, c’est que vous ne connaissez pas encore l’histoire qui va suivre.


Il était une fois, un cil d’œil du nom d’Imbé, qui se voyait sur le déclin. De toute sa vie, il n’avait vu qu’un œil, et pourtant la vision n’était pas sa vocation. Il avait ouïe dire, grâce au bouche à oreille, que de minuscules cils peuplaient le conduit auditif et permettaient d’entendre. Imbé savait très bien qu’il faisait partie de la famille des poils, des soies … des phanères en somme. Mais il ne l’assumait pas tellement. Imbé, cil d’œil, voulait voir ce que c’était d’entendre.

La magie du Web permit à Imbé de rencontrer Louis, cil de l’oreille interne. Ils s’entendirent tout de suite très bien et décidèrent de se voir. Louis apporta un livre à Imbé et le remercia : « Sans toi et les autres cils d’yeux, on n’aurait jamais pu bien voir toutes les belles images de microscopie qui ont permis de comprendre d’où nous venons nous, les stéréocils. Bien qu’appelés « cils » nous n’avons pas grand chose en commun avec les cils primaires et les cils vibratiles. Lis donc cet article Imbé, cil d’œil ! »

Figure 1 : Stéréocils trouvés à la surface des cellules de la cochlée observés en microscopie électronique à transmission (2µm de long). Université du Queensland.


Ce fût un jour important pour Imbé qui, grâce à Louis, comprit que chaque structure d’un organisme, si petite soit-elle, résulte de millions d’années d’évolution au cours desquelles elle a su se rendre utile.
Fort de son expérience, Imbé se laissa partir paisiblement et vint se planter dans ma cornée, déclenchant une crise de larmes.
Fin.


Ah les cils ! Arme de séduction pour les uns, moyen de locomotion pour les autres. Bien que portant le même nom, nous parlons ici de deux structures bien différentes : à commencer par leur taille. Le cil que l’on voit est un poil poussant à l’extrémité des paupières et ayant pour premier intérêt de limiter l’entrée de corps étrangers dans les yeux. Ces cils qu’on nous convint de vouloir plus longs, plus étoffés, plus sombres, etc.

Si on s’intéresse aux cils en tant que structure cellulaire (mesurant 10µm soit 1000 fois plus petit que le cil des paupières) on apprend qu’il existe un groupe d’organismes appelé « ciliés » … mais si vous pensez qu’eux seuls portent des cils, vous vous fourrez le doigt dans l’œil. En effet ils arborent, à leur surface, des cils vibratiles à au moins un stade de leur cycle de développement. Ces cils-là ont pour premier avantage de permettre de créer des flux d’eau autour de la cellule et ainsi de se déplacer pour les formes nageuses ou de balayer les alentours afin d’apporter vers elle des proies et autres éléments nutritifs.

Cependant, ce petit organe cellulaire à l’utilité mécanique incontestable a fait son chemin au cours de l’évolution ! Elle est également trouvée chez des bébêtes grand-format, incluant Homo sapiens, où le cil, parfois appelé flagelle (selon sa taille et sa capacité de mouvement) remplit de nombreuses fonctions et définit même certains types cellulaires au rôle fondamental avec des conséquences importantes lorsque leur structure est altérée.
Oui, je parle bien du spermatozoïde.


Pour bien comprendre comment fonctionne le cil, un point technique s’impose. Le cil est supporté par un échafaudage interne formé de tubes. Un tube de tubes (les microtubules) pour dire vrai, appelé axonème.

Figure 2 : Les protéines de tubuline forment les microtubules qui forment l’axonème qui supporte le cil.


On y voit nettement plus clair lorsqu’on sait qu’il existe deux types de cils qui ont des rôles distincts. Le cilium primaire non motile est un capteur avant tout. On le trouve à la surface de la grande majorité de nos cellules, en un unique exemplaire par cellule. Les chercheurs spécialistes ont pour habitude de parler du cil primaire en tant qu’antenne cellulaire, et pour cause. L’axonème étant enrobé de la même membrane qui recouvre le reste de la cellule, il va également porter les mêmes protéines de surface : les récepteurs membranaires. Ainsi, le cil aura la capacité de sonder le milieu extérieur de la cellule où il détectera par exemple des molécules qui circulent. 

De manière intéressante, ce sont surtout les variations physiques plus que chimiques qu’il pourra capter. De la même manière que le vent fera onduler les épis de blé dans les champs, le flux des liquides circulant sur les cellules fera plier les cils primaires. La détection et l’interprétation de ces flux sont des évènements majeurs dans de nombreux processus qui seront exposés plus bas. Il est pertinent de remarquer que la présence de ce type de cils est observée dans la plupart des types cellulaires de vertébrés. Et très récemment, une équipe canadienne a mis en évidence leur existence chez les éponges (ça avait par exemple été évoqué ici), montrant à cette occasion leur capacité à répondre très finement aux variations de flux d’eau. 

Figure 3 : Un cil (c) en microscopie électronique en transmission avec le corps basal ou basal body (bb) La plupart des corps basaux, ainsi que d’autres structures proches : les centrioles, sont composées de 9 triplets de fibres de tubuline et ceci est vrai pour les unicellulaires avec noyau comme pour l’être humain. Le cil lui-même est composé de 9 doublets qui s’étendent à partir des triplets. De plus, il y a 2 fibres au centre de l’axonème (ax). Par R. Allen grossi 16,000X. Barre = 0.5µm. Publié dans J. Protozool en 1967.

Le cil motile est champion du battement de cil. En effet, il bouge de manière active. Pour ce faire, des molécules présentes à la base du cil appelées dynéines vont consommer de l’énergie pour passer d’un doublet de microtubule à l’autre. Or, les microtubules étant maintenus ensemble, ils ne pourront pas coulisser, provoquant une traction sur l’axonème et une courbure du cil (voir éventuellement cette vidéo à 2:40). Ceci se faisant de manière régulière, le battement du cil observera un certain rythme qui sera généralement synchronisé avec les cils voisins. Dans le cas de cellules à flagelles multiples, cette synchronisation est d’autant plus importante qu’elle influence l’orientation du déplacement de la cellule qui les porte.

Parmi les cellules qui se déplacent grâce aux cils on peut citer la paramécie : un modèle bien connu des salles de classe. Le prof laisse de l’eau croupir quelques jours et rapporte ça :

Figure 4 : Photos en microscopie optique à contraste de phase de discovermagazine.com, en microscopie à fluorescence de J. Beisson et F. Ruiz (Génoscope) et coupe de cils à la surface de la paramécie observée en microscopie électronique à transmission par l’équipe d’Anne-Marie Tassin (CNRS de Gif-sur-Yvette).


Durant les millions d’années qui nous séparent de l’apparition de la première ébauche de cil, de l’eau a coulé sous les ponts, d’ailleurs il n’y avait pas encore de ponts que les ancêtres des paramécies pataugeaient déjà dans les cours d’eau aux côtés de nos ancêtres à nous.

Paramecium tetraurelia est un organisme unicellulaire qui mesure 300 µm de long environ. Sur la figure 4 ci-dessus les cils ont été marqués en vert fluo afin de les identifier. Les cils de la paramécie sont très organisés à sa surface. En effet, si on marque le corps basal du cil (voir bb pour « basal body » dans la figure 3 encore plus haut) on constate une impressionnante régularité dans la disposition des cils. En fait, les cils de P. tetraurelia lui permettent de se propulser comme une torpille à condition que ce ne soit pas des mi-cils… Effectivement, la moindre perturbation de cette organisation, même nanométrique, va avoir de l’impact sur le déplacement de la paramécie. De cette manière, de nombreuses mutations de l’organisation du squelette cellulaire ont été identifiées en analysant la nage de la paramécie. 


Il y a également des végétaux qui vont et qui viennent, voyez chlamydomonas :


Cette algue de 10µm environ possède deux flagelles qui lui permettent de se déplacer. En termes de structure moléculaire, les flagelles peuvent réellement être considérés comme des cils motiles longs. De la même manière que pour la paramécie, les mutations affectant la structures des flagelles seront très facilement détectables en catégorisant les modes de déplacement, parfois laborieux.


Et chez les pluricellulaires alors, me direz-vous ?

Homo sapiens est un exemple parmi d’autres. Les cils motiles présents à la surface des cellules de la surface interne des poumons (formée de cellules de type « épithéliales ») ont été très étudiés car ils sont impliqués dans des maladies. En effet, celles-ci sont causées par un problème d’organisation des cils et sont par conséquent appelées ciliopathies (« myopathies » pour les pathologies musculaires, « ciliopathies » pour les pathologies ciliaires … vous suivez ?). Par exemple, la dyskinésie ciliaire primitive (« dys » pour le défaut et « kinésie » pour le mouvement. Vous suivez toujours ?) est une maladie causée par une altération génétique des molécules structurant le cil où c’est le système respiratoire qui souffre le plus de la micro-malformation. Vous suivez toujours ? Parce que le cil, lui, ne suit pas du tout, entraînant de lourdes conséquences. Son battement défectueux nuit à l’évacuation du mucus pulmonaire conduisant, comme pour la mucoviscidose, à de fréquentes infections respiratoires.

Figure 5 : On visualise le mucus non-évacué aux abords des cils à l’intérieur des poumons d’une malade en microscopie électronique à balayage par Estelle Escudier (Inserm U.933)


Figure 6 : Cils portant des récepteurs dans leur membrane qui pourront capter des molécules dans le flux extracellulaire.



Et je crois que c’est t…

Ah non, attendez ! J’étais à un cheveu d’oublier de mentionner le mignonissime Schmittea mediterranea : un animal qui mérite bien quelques lignes dans un article sur les cils. En effet, en plus d’être capable de se régénérer totalement à partir de n’importe lequel de ses fragments (regardez-ça, c’est à couper le souffle), ce ver plat ne nage pas, il glisse (voir aussi).

Il glisse grâce à des cils qui recouvrent toute sa surface inférieure. Vous vous en doutez, le moindre micromètre de décalage dans l’arrangement des cils va avoir de l’impact sur le déplacement de la bête. Et voici ce que ça devrait donner et ce que ça peut donner :

Déplacement normal « glisse » 


Déplacement causé par une mutation du cil qui pourrait s’apparenter à celui d’une limace
Vidéos par Juliette Azimzadeh (Institut Jacques Monod)


En résumé, derrière un nom peuvent se cacher de nombreux concepts : le cil oculaire est un poil incomparable au cil auriculaire qui contient de fins filaments ou aux cils primaires et motiles qui contiennent des tubules. Cependant, quels que soient sa taille ou l’organisme qui le porte, l’important pour un cil c’est qu’il soit docile.


Références :


« Comment se forme un cil cellulaire ? » Bénédicte Salthun-Lassalle, PourLaScience.fr 2010

Evolutionary origins of sensation in metazoans: functional evidence for a new sensory organ in sponges. Danielle A Ludeman, Nathan Farrar, Ana Riesgo, Jordi Paps and Sally P Leys. BMC Evolutionary Biology 2014, 14:3 doi:10.1186/1471-2148-14-3

Tracing the origins of centrioles, cilia, and flagella. Zita Carvalho-Santos, Juliette Azimzadeh, José. B. Pereira-Leal, and Mónica Bettencourt-Dias. JCB vol. 194 no. 2 165-175 The Rockefeller University Press, doi: 10.1083/jcb.201011152

Le Cil : Succès évolutif d’une alliance sensori-motrice. Mme Christine PETIT, Collège de France, 2007.




Un petit mot sur l'auteur du billet : 

Karen Uriot (suivez-la sur twitter ici : @karenn55) sera prochainement docteure en Biologie Cellulaire. Elle dit avoir deux guides dans la vie : le visionneur qui a inventé la Microscopie et le créationniste du Calembour. Passionnée par toutes les Sciences, elle est ravie de pouvoir apporter sa petite contribution au web scientifique francophone.

lundi 7 septembre 2015

Entourloupes naturalistes : des serpents imposteurs


Crédits : R. Bartz


« Il devait être et fut, pour l'Eve ennuyée de son paradis de la rue du Rocher, le serpent chatoyant, coloré, beau diseur, aux yeux magnétiques, aux mouvements harmonieux, qui perdit la première femme » [Une fille d'Eve (1834) - Honoré de Balzac]


Et si LE serpent, celui responsable de tous les maux de l’humanité, celui pour lequel nous croupissons sur Terre dans la misère et la douleur, loin des fruits délicieux du Paradis... Et si cette créature rampante vicieuse que tout le monde accable et dont le nom résonne aux oreilles comme une menace, une injure… Et si ce serpent… n’en était pas un ? C’eut été le plus beau subterfuge pour la vile créature qui nous a fait tomber du ciel : se faire passer pour un autre, jeter la pierre à tout jamais sur les vrais serpents, les faire à sa place les coupables éternels de la misère humaine…

Chute et expulsion d’Adam et Ève du paradis terrestre. Crédits : Michelangelo.

S’il y a bien une chose à retenir en biologie, c’est que les apparences sont parfois trompeuses. Avoir des ailes ou un bec ne fait pas de vous un oiseau. De même, une créature rampante, sans pattes apparentes, longue, pleine de vertèbres et d’écailles, n’est pas forcément un serpent. Les imposteurs sont nombreux, aussi avant de vous donner quelques exemples, tâchons de définir ce qu’est un serpent.

Selon Wikipédia, les serpents « sont des reptiles au corps cylindrique et allongé, dépourvus de membres apparents ». Mais surtout, ils « forment le sous-ordre des Serpentes ». Car c’est bien ça l’information importante. Les serpents forment un groupe, c'est-à-dire qu’ils ont un ancêtre commun, et qu’ils sont donc tous proches parents entre eux. Les serpents font partie de l’ordre des squamates, un groupe qui contient la majorité de ce qu’on appelle traditionnellement les reptiles, et qui comprend beaucoup d’autres espèces comme des lézards, iguanes ou caméléons. Les relations phylogénétiques (ou relations de parenté) entre toutes ces espèces ont fait l’objet, et feront encore l’objet, de nombreuses études, aussi les classifications sont-elles variables selon les résultats considérés. Selon une des dernières études publiée cette année, voici (en simplifié) l’arbre des squamates :


Relations phylogénétiques simplifiées, d’après la publication de Reeder et al. 2015.


Ainsi, tout comme un régime alimentaire ne suffit pas à garantir l’appartenance à un groupe (petite piqure de rappel), les caractéristiques physiques en tant que telles ne déterminent pas à elles-seules ce qu’est un serpent, contrairement aux relations de parenté. Et si l’arbre phylogénétique nous apprend que les serpents sont proches des Anguimorpha (les varans par exemple) et des Iguania (caméléons et compagnie), on se rend rapidement compte que d’autres prétendants au titre de serpent, de par leur physique, en sont du coup écartés. Voici quelques-uns de ces imposteurs…


Les amphisbènes ne se donnent pas tant de peine


Pas besoin de chercher bien loin pour trouver les premiers imposteurs : on repère tout de suite, sur l’arbre phylogénétique, ces espèces de gros vers serpentiformes que sont les amphisbènes. Peu connus, si ce n’est sous leur homonyme mythologique, ces animaux sont adaptés à une vie souterraine. Ils creusent des galeries dans la terre, le sable ou le tapis végétal, et passent presque tout leur temps sous la surface, notamment à la recherche d’insectes et larves en tous genres à se mettre sous la dent. Hormis une famille qui a conservé des pattes, l’absence de membres propres à creuser des galeries relègue ce rôle à leur tête. Au point que pour certains, la forme rappelle fichtrement celle d’une pelle.


Tête et crâne, parfaitement adapté pour creuser, de l’amphisbène Leposternon microcephalum. Crédits : Harvard College et J. Maisan

Les amphisbènes ont développé d’autres adaptations à ce mode de vie, tels des narines dirigées vers l’arrière, des yeux recouverts d’une peau translucide, ou encore, comme on peut le voir ci-dessus, une mâchoire inférieure en retrait, avantage certain pour ne pas s’en mettre plein la bouche en creusant. Comme ces énergumènes ne sont pas naturellement présents en France (on les retrouve essentiellement dans les régions tropicales et subtropicales), voici quelques photos pour apaiser votre curiosité.


Dans l’ordre : Amphisbaena fuliginosa, Amphisbaena alba, Blanus cinereus (que l’on trouve notamment en Espagne) et Bipes biporus (connu pour ses membres antérieurs dotés de griffes qu’il utilise pour creuser). Crédits : B. Dupont, D.B. Provete, R. Avery et M. Harms


Y’a comme anguille sous roche chez les lézards


Retour sur l’arbre de famille des squamates. Il y a un groupe qui paraît louche, de par son nom… Si les Anguimorpha contiennent bien les varans, ce n’est sans doute pas eux qui sont « de la forme d’un serpent » (selon la traduction latine d’Anguimorpha). Au milieu des lézards en tous genres (le groupe contient par ailleurs de très notables lézards venimeux) se cachent donc des créatures un brin plus serpentiformes, et pourtant bien connues : ce sont les orvets et affiliés, les bien (sur)-nommés lézards apodes (« sans pattes »).

Ainsi, contrairement aux idées reçues, les orvets relativement courants de nos jardins s’appelleraient davantage des lézards que des serpents. Et ce en dépit de leur corps longiforme recouvert d’écailles et leur langue qu’ils utilisent à s’y méprendre comme un serpent. Pourtant quelques différences sont notables. Ainsi, à la mode d’un lézard, les orvets sont capables de se séparer de leur queue pour échapper à un prédateur.

L’orvet Anguis fragilis, avec sa pupille bien ronde, paraît un peu plus sympathique que certains (vrais) serpents. Ils s’en distinguent notamment par la présence d’une paupière (Crédits : Marek Bydg et Waugsberg)


Si les orvets de nos régions (Anguis fragilis) sont de taille modeste (généralement moins de 50 cm), d’autres lézards anguimorphes peuvent atteindre un mètre de longueur, tels que le Scheltopusik (c’est bien son nom commun… son nom scientifique Ophisaurus apodus est presque moins barbare) ou le serpent de verre oriental Ophisaurus ventralis (qui n’est, malgré son nom, toujours pas un serpent) originaire d’Amérique du Nord.


Ophisaurus apodus et Ophisaurus ventralis. On en oublierait presque que ce ne sont pas des serpents… (Crédits : Ltshears et Fl295)


Les faux serpents sont partout…


Tels les serpents pour lesquels ils essayent de se faire passer, les lézards apodes s’immiscent partout, y compris en dehors des Anguimorpha. Ainsi, on en retrouve dans le groupe des Scincoidea (voir arbre ci-dessus) à travers le genre Chamaesaura. Bien que possédant des pattes, celles-ci sont si peu développées qu’on peine à les voir si l’on n’y fait pas attention. Autre groupe notable du côté des geckos, ces étranges lézards réputés pour leur capacité à marcher sur n’importe quelle surface verticale. Leurs proches cousins, les Dibamidae, revêtent en effet une apparence proche de celle des amphisbènes, avec des femelles complètement apodes, tandis que les mâles possèdent des vestiges de pattes. Enfin, le groupe même des geckos, renferme plusieurs espèces de serpentiformes, à l’instar du genre Delma qui contient une vingtaine d’espèces, toutes endémiques d’Australie.


Un représentant de tous les groupes cités ci-dessus : un Chamaesaura, Chamaesaura sp. (Crédits), un Dibamidae, Anelytropsis sp. (Crédits : T.M. Townsend), et deux espèces de geckos, Delma impar et Delma demosa (Crédits : Benjamint444 et JennyKS).


… Y compris parmi les parents des grenouilles


Vous l’avez compris, des reptiles qui se cachent derrière des faux airs de serpent, il y en a à foison. Ce ne sont pas les seuls à jouer l’illusion. Bien sûr la recherche d’analogies pourrait aller loin, nombreux sont les animaux au corps allongé et dépourvus de pattes. Sans vous faire l’offense de comparer les serpents aux vers de terre, il est pourtant un groupe de vertébrés qui vaut tout de même le coup d’être cité : les gymnophiones (plus connus à travers un de leurs sous-groupes, les cécilies). C’est du côté des amphibiens qu’il faut se pencher pour admirer ces créatures étranges. Et s’étonner de leurs similitudes avec les serpents.

Les gymnophiones sont des animaux fouisseurs, dont la longueur peut être tout à fait honorable, certains dépassant aisément le mètre. A l’instar des serpents, ils peuvent être dotés d’écailles, selon les espèces. Mais là où ils les surpassent, c’est dans la particularité que l’on attribue généralement aux serpents : la perte secondaire des membres. Cette perte s’est effectuée de manière indépendante (on parle de convergence) entre les vrais serpents et les gymnophiones. Là où les derniers s’illustrent, c’est que, contrairement aux serpents, il n’y a pas même de trace embryonnaire des pattes disparues, témoignant d’une perte probablement très ancienne. Ironie du sort, les gymnophiones constituent une des proies naturelles des serpents…


Deux espèces de cécilies : Ichthyophis glutinosus (Crédits : K. Ukuwela) et Siphonops paulensis (Crédits : A. Giaretta)


Tous ces exemples nous auront appris au moins une belle leçon : l’habit ne fait vraiment pas le moine. Nous ne sommes d’ailleurs pas plus avancés sur l’identité de la perfide créature du début des temps : serpent ou être plus vil encore ? La Bible nous donne pourtant un indice qui pourrait innocenter pour de bons les véritables Serpentes : si ce n’est sous le coup du courroux de Dieu, l’animal qui a corrompu Eve avait des pattes…



Bibliographie


Reeder, T.W., Townsend, T.M., Mulcahy, D.G., Noonan, B.P., Wood Jr., P.L., Sites Jr., J.W & WiensIntegrated, J.J. 2015. Analyses resolve conflicts over Squamate reptile phylogeny and reveal unexpected placements for fossil taxa. PLoS ONE, 10(3): e0118199.

Pyron, R.A., Burbrink, F.T. & Wiens, J.J. 2013. A phylogeny and revised classification of Squamata, including 4161 species of lizards and snakes. BMC Evolutionary Biology, 13:93.



Sophie Labaude
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