lundi 7 mars 2016

Qui s’assemble… finit par se ressembler !

Article VIP par l'auteur même du papier publié dans Science advances ! C'est Chloé, auteur invitée exceptionnelle, qui nous raconte sa superbe expérience à l'origine du papier.  


Avez-vous déjà remarqué que les conjoints se ressemblent souvent beaucoup lorsqu’ils se connaissent depuis longtemps ? On a appris récemment que chez l’humain, le système immunitaire des conjoints finit par se ressembler. Mais qu’en est-il de leur comportement ? Cette question fait l’objet d‘un débat en raison de résultats globalement variés. Il faut dire que pour tester ça correctement, il faudrait former arbitrairement des couples composés de partenaires ayant des personnalités contrastées et observer ce qu’ils deviennent. Bref, ça serait pas très éthique… (cela dit ça n’empêche pas des sites de rencontres de se livrer à quelques expériences…) En attendant, la question reste en suspense… chez l’humain ! Mais une étude sur une autre espèce monogame pourrait éclairer cette question d’un jour nouveau. 

L’avantage d’être avec un partenaire similaire a été observé chez de nombreuses espèces monogames où les partenaires se partagent les soins aux jeunes, telles que les mésanges charbonnières ou les diamants mandarins. Chez ces espèces, les partenaires qui se ressemblent sur le plan comportemental se coordonnent de manière plus efficace pour s’occuper de leur progéniture et ont ainsi un meilleur succès reproducteur que les couples dont les partenaires sont différents. Être d’accord sur l’éducation des enfants rend forcément les choses plus simples. Du fait de cet avantage, les individus devraient chercher un partenaire qui leur ressemble pour se mettre en couple. Cette hypothèse est d’ailleurs souvent suggérée pour expliquer la similarité au sein des couples. Néanmoins, trouver un partenaire similaire peut prendre beaucoup (beaucoup, beaucoup) de temps, sans aucune garantie de succès ! Plutôt que de risquer de rester célibataire faute d’avoir trouvé chaussure à son pied, il pourrait être plus efficace pour l’individu de se contenter d’un partenaire disponible même si pas forcément idéal, et de tenter ensuite de s’arranger de la situation…



Le cichlidé zébré, Amatitlania siquia, est un poisson originaire d’Amérique Centrale, très étudié pour ses stratégies de reproduction (on vous en parlait ici). Il forme des couples stables dans lesquels le mâle et la femelle défendent ensemble (et de manière passablement agressive, en témoignent mes doigts attaqués) un territoire sur lequel ils construisent ensuite leur nid (une cavité dans le sol ou sous une pierre) et élèvent leur progéniture. Pour garantir le succès de leur reproduction, les parents ont besoin de défendre efficacement ce nid et leurs jeunes contre les menaces que représentent de plus gros poissons, mais aussi d'autres individus de l’espèce. C’est là qu’intervient la nécessité de coordination : la tâche s’avèrera bien plus difficile si, pendant que madame s’échine à faire décamper le prédateur, monsieur est en train de bercer les œufs. Rien de mieux qu’une attaque synchronisée pour faire déguerpir au plus vite le malotru…


Couple de cichlidés zébrés en train de construire leur nid sous une pierre. La femelle, reconnaissable à sa coloration orangée sur les flancs (à droite) déblaie le nid à l’aide du mâle (à gauche). © Chloé Laubu


Jusqu’à présent, la communauté scientifique des écologistes comportementaux admettait que la similarité au sein des couples découlait d’un choix actif des partenaires, qui s’apparient en suivant la maxime « qui se ressemble s’assemble ». Cependant, les résultats que nous avons publiés pourraient bien compléter cette théorie.

Pour évaluer si des partenaires mal assortis au départ étaient capables de finalement s’accorder, nous avons formé des couples qui étaient composés de partenaires aux profils comportementaux très contrastés ou, au contraire, aux profils comportementaux très similaires. Pour cela, chaque individu avait au préalable passé des tests de comportement : leur agressivité face à un intrus pour défendre leur territoire, leur tendance à explorer un nouvel environnement, ou encore leur crainte face à un aliment nouveau ont ainsi été examinés. Si nous avons « forcé » les individus à se mettre en couple avec des congénères au profil comportemental bien précis, ils avaient tout de même le choix entre plusieurs individus ayant ces mêmes types de profil. Une fois les couples bien formés et installés dans un aquarium privé histoire de leur donner l’intimité nécessaire pour une ponte plus sereine, (24h leur était laissés pour s’approprier les lieux), l’activité de défense du nid face à un intrus était réévaluée pour chaque partenaire, ainsi que leur succès reproducteur (nombre de jeunes et rapidité à se reproduire).


Couple de cichlidés zébrés (à droite) défendant son nid contre un prédateur de leurs œufs (à gauche). © Laubu & Dechaume-Moncharmont


Comme attendu, les couples initialement très similaires ont eu un meilleur succès reproducteur que les couples dépareillés. Mais c’est du côté des couples mal-assortis que le résultat est intriguant. Nous avons en effet montré que les partenaires infortunés parvenaient finalement à s’accorder, adoptant des comportements plus similaires après l’appariement. Mais cette convergence au sein des couples est loin d’être un commun accord : c’est le partenaire le moins agressif qui fait tous les efforts pour s’ajuster à son partenaire agressif. En outre, plus les partenaires avaient convergé, plus leur succès reproducteur était important. Non seulement, ils avaient plus de petits que les couples qui avaient peu convergé, mais ils atteignaient même un nombre de jeunes équivalent à celui des couples initialement similaires. Un résultat qui s’apparente sans doute plus à une flexibilité comportementale qu’à un changement de personnalité, puisque l’intérêt n’est pas d’être agressif en tant que tel, mais surtout d’être similaire à son partenaire.

Voilà donc un résultat qui pourrait rassurer ceux qui ne trouvent pas l’âme sœur ou qui pensent être trop différents de leur partenaire, comme le cichlidé zébré, vous pouvez toujours essayer de converger !


© Chloé Laubu


 

Référence


C. Laubu, F-X. Dechaume-Moncharmont, S. Motreuil, C. Schweitzer. Mismatched partners that achieve post-pairing behavioral similarity improve their reproductive success. Sci. Adv. 2, e1501013 (2016).




Chloé Laubu (avec la complicité de Sophie Labaude)
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